Avant d’être Directrice des Ressources Humaines, tu étais avocate en droit social pendant plusieurs années. Pour quelles raisons as-tu choisi de t’orienter vers un poste de DRH ?
En cabinet d’avocats, j’accompagnais principalement des entreprises internationales et des cadres dirigeants. Nos clients nous sollicitaient pour résoudre une problématique, répondre à une question ou gérer un projet précis, ce qui ne représentait qu’une partie de la réalité de l’activité d’une entreprise. C’est cette vision partielle du business qui m’a poussée à intégrer une entreprise pour obtenir une vue d’ensemble sur mon travail.
Ce que j’aimais dans le métier d’avocat, c’était bien sûr de dispenser des conseils juridiques, mais aussi d’accompagner les clients internationaux dans la gestion de leurs activités et interactions professionnelles en France. Cela incluait non seulement le conseil juridique en lui-même, mais aussi son application concrète, par exemple lors d’un entretien avec un collaborateur. Mettre en place un projet ne se limite pas à rédiger un courrier et respecter les délais légaux, il s’agit aussi de la manière dont le projet est présenté : comment je l’introduis, quels sont les attentes des collaborateurs français et des administrations françaises ? Tout ce qui entourait la mise en œuvre du conseil juridique m’intéressait énormément, et c’est ce qui m’a conduite à tenter l’expérience en entreprise en 2015.
D’après toi, en quoi les compétences d’un avocat en droit social sont transférables à un poste de DRH ?
Le principal point commun entre le métier d’avocat et celui de DRH est qu’ils sont tous deux des fonctions support pour le business. Pour bien exercer ces fonctions, il est essentiel d’être proche du business, de bien comprendre et anticiper les besoins, ainsi que de maîtriser la stratégie de l’entreprise, que ce soit pour prodiguer des conseils adaptés ou bien accompagner la direction générale et les opérationnels dans la conduite des activités.
La compétence principale selon moi, c’est le droit social. Il constitue un prérequis essentiel pour les fonctions RH. En plus de cette expertise, l’adaptabilité est également clé : savoir s’ajuster à une grande variété d’interlocuteurs, qu’il s’agisse de métiers différents, de niveaux hiérarchiques variés ou de types d’entreprises diverses. Cette capacité à s’adapter est cruciale pour accompagner efficacement la direction générale et les opérationnels dans la conduite des activités.
Qu’est-ce qui a facilité concrètement cette transition d’avocate en droit social à Directrice des Ressources Humaines ?
Cette transition s’est déroulée en plusieurs étapes. La première a été le passage du cabinet d’avocats à EURIAL, où j’ai commencé en tant que juriste en droit social. À ce moment-là, je travaillais 80 % du temps comme juriste, soit quatre jours par semaine, et consacrais un jour par semaine à un rôle de Responsable RH sur un site de production. Par la suite, j’ai progressé au sein de l’entreprise, devenant responsable du droit social tout en assumant le rôle de Responsable RH sur un site de production avec des enjeux RH et sociaux plus complexes. Je me suis progressivement orientée vers la fonction RH.
Depuis trois ans, j’occupe le poste de DRH de la BU internationale. Cette transition a été facilitée par le fait que je sois restée dans le même groupe et la même entreprise, ce qui m’a permis de bénéficier du réseau interne et de la culture d’entreprise que je connais très bien.
Il s’agit là d’un vrai « switch » de métiers ; comment as-tu abordé l’apprentissage des aspects généralistes de la fonction RH ? Quelles ont été les étapes clés de ta formation ?
Je suis convaincue par le modèle d’apprentissage 70-20-10. Cela signifie que l’on acquiert des compétences à 70 % en les pratiquant, c’est le « learning by doing », 20 % grâce aux échanges avec des collègues, des pairs ou des supérieurs hiérarchiques, et les 10 % restants par la formation continue.
Je me suis vraiment appuyée sur ce modèle pour apprendre, que ce soit en tant qu’avocate ou lors de mes changements de poste au sein de mon entreprise. J’ai également complété cet apprentissage par la lecture d’articles et l’écoute de podcasts sur les tendances RH, car il ne s’agit pas uniquement de concret, de droit ou de jurisprudence. Il est aussi essentiel de se préparer aux tendances à venir pour mieux anticiper et orienter l’entreprise. Il est primordial de s’imprégner de la culture générale RH.
Je me suis vraiment appuyée sur le modèle du 70-20-10 pour apprendre, que ce soit en tant qu’avocate ou lors de mes changements de poste au sein de mon entreprise.
Passer d’un cabinet d’avocat à un poste de direction en entreprise comporte de nombreux défis. Cela fait presque 10 ans que tu es chez EURIAL. Comment mesures-tu la réussite de ton changement de métier ?
Je pense que la meilleure mesure de la réussite de mon changement de métier, c’est la confiance que l’entreprise m’a accordée à travers mes évolutions professionnelles et de ma mobilité interne. À chaque étape, j’ai dû franchir des marches en abordant de nouveaux sujets, et j’ai été soutenue par mes supérieurs ainsi que par les équipes. Pour que cela fonctionne, il est essentiel de prendre plaisir dans ce que l’on fait. Il faut aimer son travail, aimer apprendre, et continuer à vouloir progresser.
Quelles erreurs sont à éviter pour effectuer la transition dans les meilleures conditions selon toi ?
Il faut rester humble et à l’écoute, car il s’agit d’un changement de métier et d’une phase de transition. Les compétences attendues ne sont pas forcément les mêmes, mais il y a aussi un changement de type de structure. Par exemple, je suis passée d’un cabinet d’avocats parisien à une entreprise qui a la particularité d’être une coopérative agricole. Ce sont des univers de travail complètement différents, avec des attentes et des cultures d’entreprise distinctes. Les compétences techniques, les « hard skills », ça s’apprend. Les compétences relationnelles, les « soft skills », peuvent être développées, mais il ne faut vraiment pas sous-estimer l’importance de l’adaptation à un nouvel environnement de travail.
Quels conseils donnerais-tu à un avocat en droit social souhaitant évoluer vers un poste de DRH ?
Pour les postes en RH, il est essentiel d’être aligné avec les valeurs du groupe et de l’entreprise, car ce sont ces valeurs qui orientent nos politiques RH et notre manière de travailler. Une différence que j’ai remarquée en changeant de poste, c’est que dans le droit social, on est souvent sur du tangible, avec des règles bien définies, parfois même de manière assez binaire. En revanche, en ressources humaines, on touche à des aspects plus subtils, liés aux relations humaines et à la compréhension des enjeux. Il faut savoir prendre du recul, car tout n’est pas aussi clairement défini. Cette dimension, plus nuancée, joue un rôle très important dans les RH.
Il est essentiel d’être aligné avec les valeurs du groupe et de l’entreprise, car ce sont ces valeurs qui orientent nos politiques RH et notre manière de travailler.
Pour conclure, que préfères-tu aujourd’hui dans ton métier ?
Ce que je préfère aujourd’hui dans mon poste de DRH international, c’est la diversité des missions et des projets. Bien que mon cœur de métier reste les ressources humaines, j’apprécie particulièrement d’être en lien avec les opérationnels et les différents métiers pour contribuer à la pérennité et au succès de l’entreprise.