L’employeur au carrefour des politiques migratoires : entre impératifs de conformité et quête de talents

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TRAVAILLEURS ÉTRANGERS. Les réformes de 2024-2025 en matière de titres de séjour et d’emploi des étrangers ont induit une responsabilité accrue des entreprises dans la gestion des parcours migratoires de leurs salariés. Si elles ont facilité le recours à certains talents étrangers dans les secteurs en tension, elles ont parallèlement alourdi les obligations des employeurs et leurs risques liés au recrutement de travailleurs non européens.
L’employeur au carrefour des politiques migratoires : entre impératifs de conformité et quête de talents

L’ actualité de cette année 2025 en matière d’immigration professionnelle illustre parfaitement la tension permanente de la politique française : besoin économique de main-d’œuvre et de protection des travailleurs étrangers d’un côté, volonté politique de maîtrise des flux migratoires, de protection de l’ordre public et du marché du travail national de l’autre.

Pour les entreprises, cette « schizophrénie française » se traduit par une complexité administrative croissante. Dans le cadre du comité interministériel sur l’immigration et l’intégration lancé en novembre 2019, l’État avait souhaité simplifier certains dispositifs pour attirer les talents étrangers hautement qualifiés ou combler des pénuries sectorielles en posant les bases d’une réflexion globale sur l’immigration professionnelle.

La mesure « fixer des objectifs pour attirer les talents et compétences »1 avait alors été déclinée en cinq stratégies : dématérialisation des demandes d’autorisation de travail, mise en place d’une organisation nationale adaptée à la recherche d’efficience, simplification des critères d’instruction, actualisation de la liste des métiers en tension, travaux de prospective et d’attractivité pour les compétences rares.

À ces mesures, se sont ajoutés un durcissement des sanctions contre le travail illégal sous toutes ces formes (C. trav., art. L. 8221-1), contre les fraudes en matière sociale (CSS, art. L. 114-16-2) et contre l’exploitation par le travail et la traite des êtres humains2, ainsi qu’une hausse des contrôles de l’Urssaf, de l’inspection du travail, de l’Office central de lutte contre le travail illégal3 ou de la Direction générale des étrangers en France4.

Ces derniers mois, et à contre-courant de ces mesures d’ouverture et de protection des étrangers en France, l’État a renforcé drastiquement les conditions de séjour, les contrôles, et a limité l’accès aux régularisations. Les usagers et professionnels du droit de l’immigration se retrouvent confrontés à des écueils administratifs pluriels et complexes : dysfonctionnements chroniques des plateformes dématérialisées ; difficultés d’échanger avec les différents interlocuteurs en charge de délivrer les titres de séjour et les autorisations de travail (pointés du doigt par un rapport très complet du Défenseur des droits publié en décembre 20245) ; pratiques administratives divergentes entre préfectures (en fonction de l’avancée de la dématérialisation des procédures notamment) et politiques internes découlant, non pas de dispositions législatives, mais de circulaires ministérielles ou de simples
« notes administratives » qui rajoutent des exigences ultra petita.

En résultent de plus en plus fréquemment des ruptures de droit involontaires pour les étrangers, une hausse des contentieux administratifs et des employeurs indécis (« Doit-on rompre le contrat de travail ou le suspendre ? Jusqu’à quel point dois-je m’impliquer dans la procédure d’immigration de mon salarié ? Les sanctions sont-elles réelles ? »).

Notre article fait le point sur les dernières évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles et apporte un éclairage concret sur les pratiques des administrations et des employeurs en matière d’embauche de ressortissants étrangers.

Semaine sociale Lamy • 13 octobre 2025 • n° 2155

L’intégralité de l’article est disponible dans la Semaine sociale Lamy, en ligne sur Lamyline.fr et Liaisonssociales.fr.

  1. htps://www.info.gouv.fr/upload/media/default/0001/01/2019_11_dossier_de_presse_-comite_interministeriel_sur_limmigration_et_lintegration_-_06.11.2019.pdf
  2. Dont les formes graves d’exploitation sont défi nies par les articles 225-13 et 225-4-1 et suivants du Code pénal.
  3. L’OCLTI intervient également dans le traitement des infractions connexes (abus de biens sociaux, blanchiment) et comme service de renseignement en dehors du cadre judiciaire, permettant une approche stratégique comme préventive.
  4. S’agissant de l’emploi de ressortissant étranger non autorisé à travailler (Erenat), les chiffres SSMSI (service statistique ministériel de la sécurité intérieure) font état de 3520 infractions en 2024, pour 3786 mis en cause (principalement de nationalités française, tunisienne, marocaine, algérienne, turque et chinoise). Plus de 1000 procès-verbaux relatifs au seul emploi de ressortissant étranger non autorisé à travailleur ont été établis,
    la moitié de ces procès-verbaux concernant les secteurs du bâtiment, travaux publics (BTP) et de l’hôtellerie, cafés et restauration (HCR).